Parties prenantes et gouvernance

Place et rôle
des salariés

La communauté des salariés est une partie prenante de l’entreprise. Son implication dans la flexibilité des frais de personnel pose la question de la gestion des antagonismes historiques et de sa reconnaissance effective comme partie prenante.

Le Livre Vert de la Responsabilité Sociale des Entreprises de l’UE paru en 2001 précise qu’être socialement responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au-delà et investir davantage dans le capital humain, l’environnement et les relations avec les parties prenantes. Selon la norme ISO 26000, la RSE est « la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement (…) qui prend en compte les attentes des parties prenantes ». La loi PACTE a modifié l’article 1835 du code civil pour ouvrir la possibilité d’inscrire dans les statuts d’une société sa « raison d’être » définie par Martin Richer, responsable du pôle « Entreprise Travail & Emploi » de Terra Nova, comme  « le sens profond des activités d’une entreprise, la finalité du projet qu’elle développe, qui associe ses parties prenantes vers des objectifs librement consentis et exprime ses apports vis-à-vis d’elles ». Il n’existe pas de définition juridique de la partie prenante, expression qui vient de la traduction du mot anglais « stakeholder ». Une approche courante est de considérer que la partie prenante est un acteur, individuel ou collectif, groupe ou organisation, activement ou passivement concerné par une décision ou un projet ; c’est-à-dire dont les intérêts peuvent être affectés positivement ou négativement à la suite de son exécution, ou de sa non-exécution. L’identification des parties prenantes et le dialogue avec celles-ci font l’objet de la cinquième partie de la norme ISO 26000.

Créé au Canada en 2005 par deux établissements universitaires (HEC Montréal et l’Université Concordia-École de gestion John-Molson) ainsi que par l’Autorité des marchés financiers et la Fondation Stephen Jarislowsky,  l’institut sur la gouvernance d’organisations privées et publiques (IGOPP) analyse les relations entre la gouvernance de l’entreprise et ses parties prenantes. Dans un rapport intitulé  « Gouvernance et parties prenantes: l’obligation du conseil d’administration d’agir dans l’intérêt de la société » (IGOPP, octobre 2014) Yvan Allaire, président du conseil de l’IGOPP et le professeur Stéphane Rousseau de la faculté de droit  de l’Université de Montréal, après avoir rappelé qu’aucune société commerciale ne peut survivre sans afficher des résultats économiques favorables, s’interrogent sur la place des différentes parties prenantes. Ils ajoutent que « pour réussir en longue durée, l’entreprise doit faire appel au talent, à l’expérience et l’engagement de tout son personnel (…)  se montrer digne de la confiance de toutes les parties prenantes nécessaires à son succès ». Ils observent que cette vision était quasiment une évidence entre les années 50 et  80, époque au cours de laquelle les marchés financiers, et les actionnaires en particulier, exerçaient une influence toute relative sur les décisions de la grande entreprise en raison de la fragmentation de l’actionnariat et d’un financement selon des sources internes à l’entreprise. Depuis, des fonds de placement sont devenus les actionnaires majoritaires des sociétés cotées en Bourse, les conseils d’administration autrefois familiaux se sont peuplés de membres « externes » et indépendants, les dirigeants recrutés pour leur expertise sont rémunérés en grande partie par des options sur le titre de l’entreprise. Il en découle que les marchés boursiers et financiers sont devenus la partie prenante dominante. La dérive a été suffisamment importante pour que à l’occasion de deux jugements (Magasins à rayons Peoples Inc. c. Wise 2004 et BCE Inc. c. Détenteurs de débentures 2009) la Cour suprême du Canada rappelle que le conseil, dans sa démarche de prise de décision, ne doit accorder aucun traitement préférentiel aux intérêts des actionnaires ni à ceux de toute autre partie prenante, mais doit exclusivement agir dans l’intérêt de la société dont ses membres sont administrateurs. Se posent dès lors deux questions auxquelles la Cour suprême n’apporte pas de réponse. « Lorsque les intérêts de diverses parties prenantes sont opposés, comment devrait-on comprendre l’intérêt de la société? Comment le conseil devrait-il procéder pour établir un arbitrage équitable entre les intérêts de diverses parties prenantes et lesquelles ont droit à une telle considération? ». Une ébauche de solution consiste à déterminer une méthode de prise de décision, qui, entre autres, pose pour principe d’apprécier les attentes raisonnables des parties prenantes pouvant exercer des recours contre la société et d’identifier les options qui, selon le jugement d’affaires des administrateurs, servent le mieux les intérêts à long terme de l’entreprise.