UNE PRATIQUE À CADRER PRÉCISÉMENT

L’ÉVALUATION DES SALARIÉS

L’évaluation des salariés n’est pas obligatoire. Elle est toutefois généralisée et très encadrée. Une grande variété de modalités peut être observée. Certaines présentent un risque réel pour l’entreprise. L’efficacité des autres, admises,  ne tient ni à leur sophistication ni à leur innovation.

L’évaluation des salariés est une pratique généralisée, alors qu’à l’exception de rares conventions collectives, aucun texte ne l’impose à l’employeur. La jurisprudence envisage l’évaluation des salariés non comme une obligation à la charge de l’employeur, mais comme un droit pour celui-ci, inhérent à son pouvoir de direction1. Dans le prolongement de cette logique elle ajoute que le refus réitéré du salarié de se soumettre à une évaluation de son travail peut constituer une faute grave justifiant son licenciement2. Toutefois l’exercice du pouvoir de direction ne doit pas viser à soumettre le salarié. Dans les cas extrêmes l’employeur peut être déclaré coupable du  délit de soumission défini à l’article 225-14 du code pénal « Le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende ». Les magistrats précisent que quelles que soient les exigences du process de fabrication, les salariés ne peuvent pas être « le prolongement d’une machine-outil »3. Sans pour autant s’inscrire dans ces conditions de travail effroyables, toute tentative de soumission de la volonté du salarié est sanctionnée. Ainsi le harcèlement moral est un délit. Le fait de tenter de soumettre la volonté d’un salarié, de porter atteinte à sa dignité est un délit. Les magistrats ont fait recours à la notion de dignité bien avant les textes sur le harcèlement moral. Dans un arrêt de 1998, pour rejeter la faute grave d’un salarié la Cour de Cassation avait relevé que ce dernier « avait été privé des moyens d’exécution de ses tâches dans des conditions portant atteinte à sa dignité »4. Dans cette affaire l’employeur avait imposé au salarié de quitter son bureau habituel pour l’éloigner de ses collègues, l’avait privé de téléphone et imposé des dates de congés sans raison objective.  En complément, une abondante jurisprudence fait application de l’article L 1121-1 du Code du travail qui pose le principe de proportionnalité selon lequel « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché », c’est-à-dire à la défense de l’intérêt économique dont l’employeur supporte le risque.

Ce qui est communément appelé l’évaluation du salarié, et plus généralement l’entretien annuel du salarié, ne peut donc pas avoir pour objet ou pour effet d’évaluer le salarié, directement ou indirectement. Ce serait porter atteinte à sa dignité ou à ses libertés individuelles. A l’inverse l’évaluation peut être centrée sur la prestation rendue par le salarié. L’employeur est toutefois tenu d’élargir le champ de l’évaluation aux compétences du salarié. En effet selon l’article L 6321-1 du code du travail l’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et d’une manière générale celle de maintenir leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il doit donc pouvoir contrôler le  niveau de maîtrise des compétences du salarié. Bien qu’ils se recoupent, ces deux champs d’investigation ne relèvent pas de la même finalité et ne renvoient pas aux mêmes outils.  L’entretien professionnel peut faire échos à l’obligation posée par l’article L 6321-1. Il est consacré aux perspectives d’évolution professionnelle, notamment en matière de qualification et d’emploi5 et a lieu tous les deux ans à partir de l’embauche, sauf périodicité différente prévue par accord collectif, et à l’issue d’une longue suspension du contrat de travail comme un congé maternité, parental d’éducation, de proche aidant, d’adoption, sabbatique, une période de mobilité volontaire sécurisée, un arrêt longue maladie. A la demande du salarié, cet entretien peut être organisé avant la reprise du poste6. Il est complété tous les six ans, par un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel qui vise à observer si le salarié a suivi au moins une action de formation, acquis des éléments de certification par la formation ou par une validation des acquis de son expérience, et fait l’objet d’une progression salariale ou professionnelle. Il s’agit d’analyser les compétences et perspectives d’évolution professionnelle du salarié dans le champ d’exploration défini par le code du travail ou par un accord d’entreprise. Pour éviter tout amalgame avec l’évaluation de l’activité, l’article L. 6315-1 du Code du travail énonce que « cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié ». L’évaluation, au sens du contrôle du travail du salarié, doit avoir lieu dans un autre cadre qui n’est pas défini par les textes.