C’est l’histoire d’un chamboulement mondial qui impacte l’équilibre social de chacune des entreprises. L’entreprise et ses salariés peuvent en sortir grandis ou fragilisés, pour l’essentiel en fonction de la nature des relations qu’ils vont consolider entre eux. Ces choix vont peser durablement sur notre économie nationale. Sans aucun besoin de réforme de circonstance, le droit du travail donne les orientations à suivre pour renforcer ou retrouver la profitabilité.
« Nous sommes en guerre ». Ces mots sont exprimés à six reprises. Ils sont choisis. Ils suscitent l’émotion, l’inquiétude, marquent les esprits. Un peu après 20h, le 16 mars 2020, le Président de la République, Chef des Armées, annonce ainsi le confinement qui commencera le lendemain à 12h. Il nomme le danger, installe la peur, promet la protection, attend la soumission à l’autorité qui protège. Cette soumission est totale. Toutes les personnes présentes sur le territoire respectent très rapidement ce qui relève habituellement d’une sanction pénale: l’assignation à résidence. C’est le degré de privation de liberté le plus élevé avant l’incarcération. Cette soumission a été durable. En témoigne le nombre infime de contraventions aux règles imposées pendant huit semaines. Il s’agit pourtant de ne se déplacer qu’en cas d’extrême nécessité, seul, ou pour faire un peu de sport, seul, moins d’une heure. Une promenade est autorisée entre confinés dans un même habitat, une fois par jour, moins d’une heure. Tout le reste est interdit, famille, amis, voisins, spectacles, loisirs, shoping, voyages, salles de sport, restaurants, bars, école, travail sauf exception, réunions politiques, syndicales, professionnelles, cultuelles, sociales, de partage, manifestations, rencontres, jardins partagés, actions citoyennes, même l’accompagnement des proches mourants. Ces restrictions extrêmes des libertés individuelles et collectives sont la réaction des pouvoirs publics, de l’autorité publique, à la montée d’une crise inédite, radicale et mondiale. Cette réaction a un impact sans précédent sur tous les aspects de notre société. Elle stoppe en moins de 24 heures l’activité de milliers d’entreprises et renvoie à leur domicile des millions de salariés.
La brutalité engendre la confusion et des entreprises qui ne se sont par reconnus parmi celles nécessaires à la continuité de la Nation ferment leurs ateliers ou arrêtent les chantiers. Puis rappellent les salariés. Ces salariés auxquels il est demandé de rester au travail s’inquiètent du risque de contamination. Certains font recours au droit de retrait. Leurs syndicats les soutiennent et les employeurs contraints par ordonnance de maintenir l’activité sont désemparés. Des salariés ne savent pas s’ils peuvent retourner sur leur lieu de travail pour récupérer des éléments physiques des dossiers qu’ils ont à traiter à leur domicile. Des employeurs hésitent à obliger des salariés à rester chez eux. La confusion dure une semaine au cours de laquelle progressivement chacun comprend s’il fait ou non partie des activités qui doivent se poursuivre. Dès le premier jour est imposé un télétravail massif. Les entreprises identifient dans l’urgence les ressources nécessaires et les mettent à disposition. Le télétravail s’organise, en famille, sans processus partagé, et pour la très grande majorité sans expérience sur laquelle s’appuyer. La deuxième semaine est celle du début de la résilience. Salariés et employeurs ne sont plus noyés dans l’urgence de la gestion du changement. La plupart a compris que la privation de liberté serait supérieure aux deux semaines annoncées initialement par l’autorité publique. L’heure est à organiser au mieux le travail dans cette nouvelle configuration. S’amplifie alors l’interrogation du risque de contamination des salariés qui doivent se rendre sur site. Très vite se pose la question des masques. L’autorité publique qui avait promis protection tergiverse. L’information est contradictoire. L’autorité publique ne protège pas. Les entreprises et les salariés cherchent des solutions alternatives. Certaines entreprises improvisent des ateliers de fabrication de masques. Les collaborateurs, la ligne managériale et les dirigeants vivent les doutes et la peur ensemble…